Annie Kurkdjian

Née en 1972 à Beyrouth, Annie Kurkdjian y a vécu les seize années de guerre civile. C’est une enfance marquée par le bruit des bombes, la terreur, l’insécurité permanente, l’irrégularité des choses ordinaires. Arménienne, elle porte déjà en elle, à travers l’histoire de sa grand-mère, le traumatisme du génocide. À 12 ans, alors que la famille se prépare à quitter le Liban, elle perd son père dans un violent assassinat pour vol et découvre le lendemain, dans les journaux, la photographie de son corps gisant, criblé de balles. Jeune adulte, elle souffre de trichotillomanie (compulsion à s’arracher cheveux, sourcils, poils) et prend conscience qu’il lui faut trouver un exutoire à la souffrance inscrite dans son corps. Après avoir cherché sa voix un temps, effectué des études de gestion, puis d’art, de psychologie et enfin de théologie, Annie Kurkdjian devient artiste. En 2005, elle guérit complètement de ses maux et commence une « nouvelle vie » avec des expositions régulières en France et au Liban, où elle a son atelier. « J’ai trouvé dans la peinture un moyen pour me protéger, transformer la douleur, ressusciter », explique-t-elle simplement.
Ce sont donc les œuvres d’une artiste issue du traumatisme qui illustrent ce dossier. Des peintures à la fois sobres et puissantes, qui mettent en scène des êtres dans des postures torturées, monstrueuses, grotesques. Ils fixent parfois le spectateur, d’un œil mort, les épaules voûtées, comme harassés et perdus. Les corps paraissent disséqués, analysés, ce sont des images glaçantes et douloureuses. Ces grandes toiles au souffle tragique nous questionnent sur la vie. Pour Annie Kurkdjian, la réponse surgit dans la sincérité de la démarche artistique : « L’art peut tout sublimer, la guerre, la honte, l’enfer tout entier. »

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